Il arrive que les étoiles s’alignent. Chez certaines personnes, parfois très jeunes, l’avènement s’impose telle une fulgurance qui ne cessera de briller en eux… ou qui les foudroiera. D’autres esquivent soigneusement les appâts de la vocation, récusant toute opportunité qui hasarderait leur destin. Et puis, il y a la catégorie comparable aux vins de garde, propre à celles et ceux qui mûrissent tardivement, confiants et attentifs, prêts à embarquer le jour venu.
Je ferais volontiers partie de la dernière espèce, c’est d’ailleurs l’objet de ce site que j’accouche sans peine maintenant que les étoiles s’alignent d’elles-mêmes : ce qui m’éveille depuis des décennies, au travers de conversations, d’attitudes, de pensées, de situations très diverses, se matérialise en moi très distinctement aujourd’hui. Je peux en représenter les formes et les vibrations, les contours, les textures, les bruissements, les éclats. Je l’écris à main levée.
Écrire des mots, des images, des sons, des paroles, c’est écrire aussi, écrire avec un stylo, une caméra, un micro, un corps, c’est écrire encore les moments présents aux présences du monde. J’expérimente alors la mise en réel d’une matière vivante que l’on effeuillerait comme les pages d’un livre, les unes imprimées et les autres blanches, donnant à voir le film animé et intermittent d’une aventure à jamais curieuse de la suite. L’ombre alterne avec le double, le creux avec le plein. L’un et l’autre enlacent l’imaginaire dès le cri initial. Ils infiltrent les arcanes encéphales les plus dérobés, enracinent de mystère et de création chaque cellule de l’organisme. Quand ils s’alignent avec les étoiles, ils émergent sur scène. L’événement est remarquable mais comme tout événement, il n’est que le jaillissement d’un courant souterrain continu.
En soi, le phénomène ne révèle rien d’extraordinaire, une simple suite ininterrompue d’ordinaires. Ce que j’ai fait, que je fais et ferai s’inspire d’un même souffle dès l’origine tous les jours davantage.