Quand la guerre cessera raconte le hors-piste de la narration. C’est ce qui m’a embarqué. Les actions et les événements existent par ce qu’ils suggèrent. Et aussi, clin d’œil complice à Sartre, que nous existons nous-mêmes, par la même occasion.
Un texte qui fait vivre avec beaucoup d’humanité, je veux dire en vrac. À l’aune de la réalité humaine elle-même qui est en vrac, qui est un vrac. C’est ce qui la rend possible. Et nous rend aptes de l’accepter ainsi, parce que nous pouvons choisir.
L’écriture réinvente vraiment très bien une apparente discontinuité perpétuelle : la grand-mère, les émigrés, la pyramide de Maslow, les amoureux, le ciel en étoile qui danse, les raisons de se suicider, la liberté d’être Dieu et esclave, rue Martel, l’enfant du suicidé, Sartre, etc.
Discontinuité apparente parce qu’en vrai, elle dit vrai. Le vrai de la pensée, un vrai chaotique entrelacé hétéroclite. Poétique. Poétique, trivial. Poétique, lieux communs. Étincelle ivresse, néon sur faïence.
La vie, en fait. En faits têtus. La vie serait, Cioran le dit, une pensée ininterrompue. C’est aussi, je suis sincère jusqu’au bout, ce qui fait que certains passages didactiques ou phrases lapidaires à la Prévert tous azimut, peuvent un peu agacer au début. Puis l’emportent. Souffle faisant. Lames et écumes. Besoin d’expirer à fond !
La quatrième de couverture annonce un roman très contemporain. Je comprends bien. Paris, l’amour bohème, le changement climatique, les artistes et les autres. Génération Mitterrand. La nature en direct, incontournable, optionnelle, tout à la fois. Grave, pas grave, so what ?
Contemporain parce que vécu, parce qu’en phase avec le modus vivendi parisien intramuros. Je m’entends bien avec l’époque, j’adore Paris aujourd’hui, le onzième où j’habite, alors nous sommes d’accord.
Enfin, ça se serait passé à Châteauroux, Lebrija, Moundou, Nijyn ou Sherbrooke (ou même à Tours près d’où je suis né et grandi, moi idem, comme l’autrice), c’eut été contemporain, mais sans doute pas de la même contemporanéité. La fameuse Théorie des climats, de Montesquieu.
J’ai trouvé dans ce roman bien plus qu’une expérience, qu’un témoignage, qu’une peinture de mœurs. Ce qui se passe importe peu, selon Duras, c’est ce qu’il y a autour. Et ce qu’il y a autour, c’est bien souvent soi-même en train de transformer la matière du quotidien en réel intemporel.
Contemporain de la pensée, en somme, au-delà de l’actualité. Cette alchimie-là me semble bien correspondre au talent de Louise Pasteau !
Santa Teresa, Costa-Rica, juin 2022